top of page

Carrière cycliste canadienne recherchée… Parce qu’elles le méritent

En travaillant dans le milieu sportif, il est aisé de constater combien le gouffre est profond entre le sport féminin et masculin, toutes disciplines confondues. Rien de nouveau ici, malheureusement, le cyclisme de compétition ne fait pas exception.


En 2011, j’ai fait un retour aux études et mon cursus universitaire m’a permis de développer un esprit critique face à la place des femmes dans les sports. J’en suis venue à un questionnement sur l’accès au développement et les possibilités de carrière des athlètes féminines comparativement aux athlètes masculins canadiens. Ayant travaillé dans le cyclisme masculin pendant plusieurs années, j’ai acquis l’expertise et les connaissances nécessaires ainsi que la confiance de mes pairs, ce qui m’a permis d’accéder à la direction d’une équipe cycliste masculine de niveau UCI Continental (Union Cycliste Internationale). Pour aider à la compréhension de ce texte, je précise que le niveau continental peut se comparer à la Ligue de hockey junior majeur.


Qui sont les équipes féminines professionnelles canadiennes? Où sont-elles basées? Pourquoi le niveau UCI est-il inexistant pour les femmes au Canada? Pour en avoir le cœur net, j’ai décroché le téléphone et j’ai communiqué avec les principales concernées, les cyclistes elles-mêmes, autant au niveau amateur que professionnel et World Tour, pour avoir leur opinion sur cette question... et j’ai ouvert une boîte de Pandore!


Claudine Gilbert - Fondatrice du programme SHE Cycling


CONFIDENCES

En toute confidentialité, par souci d’éthique, leurs confidences, leurs déceptions et leurs espoirs ont été écoutés. Des opinions divergentes envers les fédérations provinciales, nationales et l’UCI ont également été soulevées. Plusieurs points ont été abordés, tels que les études, les calendriers, la gestion, les entraînements, l’exposition du cyclisme féminin dans les médias et les réseaux sociaux, la violence psychologique, la misogynie, les troubles alimentaires, la pression de performance, la parité des bourses décernées par les organisateurs de courses, etc. J’ai poussé cette enquête jusqu’aux États-Unis et en Europe, où l’on trouve de nombreuses équipes professionnelles féminines, et j’ai pris des notes. J’ai confirmé ce que je savais déjà, mais réalisé à quel point la distance est grande entre le cyclisme féminin et masculin. J’étais complètement biaisée d’avoir travaillé avec les hommes autant d’années et c’est à ce moment que ma vision du cyclisme a changé radicalement. Cette dichotomie n’est pas seulement au niveau canadien, mais également mondial.


Lors des derniers Olympiques, la majorité des médailles canadiennes ont été gagnées par des femmes. Le Canada possède un bassin de jeunes athlètes cyclistes talentueuses, mais leur développement s’arrête lorsqu’elles passent du niveau junior au niveau élite. Pourquoi? Par manque de commanditaires, de support financier, d’équipes et de structures. Plusieurs mettront fin à leur carrière sportive à 17 ou 18 ans, car il n’y a aucune place pour elles au niveau élite. Le peu d’équipes féminines qui existent, malgré leur volonté incroyable de faire vivre le cyclisme féminin canadien, restent des équipes amateurs et ont de la difficulté à survivre année après année. En 2016, Cyclisme Canada enregistrait seulement trois groupes sportifs qui ont un volet féminin… pour le pays entier, c’est peu!!


UNE CULTURE À CHANGER

Où est l’avenir de nos athlètes canadiennes sur le circuit professionnel nord-américain ou même mondial? Malheureusement, ailleurs que chez nous, et c’est pourquoi nous devons travailler ensemble pour bâtir un avenir pour ces jeunes femmes et changer les fausses perceptions face au sport féminin. Il y a pourtant un vent de changement positif dans le monde, si l’on pense par exemple à l’équipe de soccer féminine des États-Unis qui a fait le tour des plateaux télé pour dénoncer les trop gros écarts de primes entre les sélections féminines et masculines, et l’indignation exprimée sur les réseaux sociaux devant les dérapages sexistes des commentateurs télé aux Olympiques. Plus près de nous, « Parce qu'on est en 2016 »... la parité du Gouvernement Trudeau, sa conjointe, Sophie Grégoire-Trudeau qui s’investie dans la cause féminine auprès des jeunes femmes canadiennes, etc. Je pourrais en énumérer un grand nombre.


Nos meilleures cyclistes signent pour l’Europe sur le World Tour (la LNH) et les plus prometteuses s’exilent vers les États-Unis, car, comme vous le savez maintenant, il n’y a pas de possibilité d’avancement au Canada. Les équipes américaines l’ont très bien compris, dont certaine très opportuniste qui signent nos meilleures Canadiennes pour la prochaine saison. Comprenez-moi bien, c’est une belle progression dans leur développement d’être sélectionnée au niveau UCI américain. Ce que je soulève comme point ici est que nous n’avons pas ce niveau au pays et que ce n’est pas normal, car nous avons toutes les ressources nécessaires, autant humaines que matérielles, pour le créer.


AMBASSADEURS ET AMBASSADRICES DE CHANGEMENT

Je crois au pouvoir de se réaliser et d’être entourées d’athlètes qui ont un talent extraordinaire, qui ont une soif de s’entraîner et de se développer. C’est inspirant pour moi. Je crois que grâce à l’écoute, elles peuvent renforcer leur confiance en soi, si elles sont bien encadrées et ont le soutien nécessaire à leur succès. Je crois aux fondements psychologiques de la valorisation de ces femmes afin de voir naître un retour positif sur les différents aspects de leur vie, sportive ou privée. L’empowerment1 est ma source d’inspiration.


C’est ainsi que je célèbre le premier anniversaire du Programme SHE Cycling (Sport-Health-Ethics). Sa mission consiste à créer une équipe cycliste professionnelle féminine de niveau UCI ayant une structure saine et éthique, et à promouvoir le développement de la carrière sportive des athlètes canadiennes. Je veux ainsi leur donner de la visibilité et l’occasion de se mesurer à l’élite cycliste nord-américaine et internationale. Le tout sur le thème de l’équité.


Ce programme partage également des valeurs de mentorat et de retour à la communauté. Sur fond d’empowerment, nos athlètes partagent leurs connaissances et leur passion avec de jeunes cyclistes. Nos athlètes élites se sont engagées à aider ceux-ci à faire la transition du vélo amateur au cyclisme de compétition. Ce sont des « marraines » qui prennent la responsabilité d’épauler une ou des jeunes athlètes, de niveau junior ou cadet, dans une organisation de leur choix qui se trouve dans leur communauté.


Faire avancer l’équité des femmes est ma priorité, sans prétendre que tout va changer en une journée. Si l’on continue le travail des générations précédentes, les jeunes filles pourront peut-être rêver d’une carrière sportive digne de ce nom, tous sports confondus. Je crois sincèrement que c’est la responsabilité de chaque athlète, féminin ou masculin, d’être un ambassadeur afin que la situation s’améliore pour le bien de tous.


Grâce à la confiance que ces athlètes féminines ont mise en moi, le programme SHE Cycling est né. Elles ont maintenant un visage et une voix pour appuyer leur cause et prendre le temps et les moyens nécessaires pour créer le changement, si petit soit-il, et tout ça… parce qu’elles le méritent.



Claudine Gilbert

Fondatrice du programme SHE Cycling et Femme

Site Internet: www.shecycling.com

Twitter: @SHEcycling

Instagram: @SHEcycling

Read the article in english here



1: En français : autonomisation

Posts Récents
Archives
Rechercher par Tags
Pas encore de mots-clés.
bottom of page